Revue des sciences sociales n° 31/2003

La Revue des Sciences Sociales consacre un numéro en hommage à Freddy Raphaël, directeur de la revue et sociologue strasbourgeois, surtout connu pour ses travaux sur la sociologie du judaïsme, mais que son insatiable curiosité intellectuelle a conduit à explorer bien d’autres domaines: la frontière, la mémoire, l’humour, l’épistémologie des sciences sociales, l’anthropologie du corps…

La diversité de la trentaine de contributions qui forment ce bel ouvrage (illustré par un autre ami du récipiendaire, le peintre et humoriste alsacien Tomi Ungerer) obéit certes à la loi du genre, mais chacun y allant de sa spécialité, dans laquelle il a travaillé un temps avec Freddy Raphaël, ce foisonnement exprime aussi l’étendue du champ couvert par la production intellectuelle de ce dernier (sa bibliographie comprend plus de 350 titres!). Une position scientifique et une démarche personnelle caractérisent cependant l’homme et l’œuvre, dont elles expriment la cohérence forte. L’expérience vécue (jeune enfant, il échappe à la déportation par l’exil), au lieu de le précipiter dans l’extrémisme, fait de lui un juge prudent des actions de ses contemporains, fidèle aux valeurs laïques et démocratiques de la République.

Pour Freddy Raphaël, l’interprétation dans les sciences sociales n’a de sens que si elle est réinjectée dans le débat social. La question de la distance, du contrôle du scientifique sur l’observation des faits le dispute alors à l’engagement personnel, nécessaire face aux situations intolérables: comment faire la part du scientifique et du militant? “Homme des confins”, Freddy Raphaël tente toujours, quels que soient les risques de glissement axiologique, de concilier positions scientifique et éthique. La lecture des articles de ce numéro éclaire ce qu’il a pu apporter à nombre d’auteurs aussi bien scientifiquement que par ses qualités humaines.