Qui est Auguste Ier de Saxe, « le prince qui aimait les cartes » ?
Axelle Chassagnette : Auguste Ier de Saxe (1526-1586) est un prince électeur de la Saxe électorale, un territoire qui se situe dans le sud-est de l’Allemagne actuelle. Comme son nom l’indique, le prince électeur porte la dignité électorale et appartient au collège qui élit l’Empereur. En outre, la Saxe électorale est un territoire protestant, ce qui lui donne un poids important dans cette élection. Deux caractéristiques qui lui confèrent un statut particulier. Toutefois, Auguste Ier n’est pas un souverain militaire et guerrier, et pas non plus un intellectuel versant dans la rédaction de traités philosophiques ou de poésies. Il s’agit plutôt d’un prince administrateur qui a développé l’économie et l’industrie de son territoire, notamment ses mines d’argent, et d’un « faiseur » qui penche très volontiers vers la pratique d’activités manuelles, comme le tournage sur bois ou le jardinage.
Et surtout la cartographie ?
A. C. : Cartographier son territoire est une pratique répandue parmi les princes de la Renaissance. Mais aucun ne montre autant d’acharnement qu’Auguste Ier qui a nourri une véritable passion pour cette pratique. Tout au long de son règne (1553-1586), il a commandé la production ou produit lui-même, en arpentant son territoire, des cartes en une quantité inégalée. L’un des enjeux du livre est de questionner le pourquoi et le comment d’une telle passion à travers l’analyse des foisonnantes collections de cartes, d’objets, de vêtements, de mobiliers, de livres, ou d’instruments de mesure et de mathématiques que nous ont laissées Auguste Ier et sa descendance à Dresde.
Que nous disent ces cartes, à quoi servaient-elles ?
A. C. : Dans le cas d’Auguste Ier, ce n’est pas toujours très clair ! Elles avaient sûrement, de façon ponctuelle, une fonction d’administration du territoire et d’inventaire de ses ressources. Et elles avaient aussi une dimension artistique, d’apparat et de prestige. Mais tout cela n’explique ni leur abondance, ni les raisons pour lesquelles le prince s’adonnait à une telle passion et ce qu’il en retirait. Plus qu’apporter des réponses précises et définitives, la collection d’Auguste Ier pose des questions sur la technique cartographique, sur la dimension politique, géopolitique, théologique, culturelle, artistique et scientifique de cette pratique ; sur la construction, la diffusion et la structuration de la géographie en tant que discipline ; sur la façon dont les contemporains de la Renaissance se figuraient le monde et leur monde. Aujourd’hui, nous sommes complètement acculturés à la lecture des cartes, elles nous sont plus que familières, mais la transcription visuelle et graphique d’un territoire n’a de loin pas toujours été aussi évidente, et ce livre contribue à en retracer les origines.
Prolongez la discussion avec Axelle Chassagnette à l’occasion de sa conférence Savoirs en partage à la BNU de Strasbourg, le 12 décembre 2024, à 18h30. Entrée libre à toutes et à tous.