Que peut-on gagner à faire de John Wayne un ornithologue ? Que peut-on découvrir dans le chant élégiaque des vaqueiros du Sertão qui concernerait le cinéma ? Quelle peut être la motivation d'un chercheur faisant du comique phono-musico-visuel de Jerry Lewis l’efficace reprise de la théorie critique pratiquée par T. W. Adorno ? Et qui, à l’exception de Stanley Cavell peut-être, peut prendre au sérieux la proposition suivante : par sa puissance propre d’articulation de la musique et de l’espace filmique, Gene Kelly pose le double problème du scepticisme cognitif et éthique ? Qui encore peut découvrir dans les utopies musicales de l’art radiophonique les lieux d’une réflexion sur l’expérience esthétique, éthique et politique au cinéma ?
Que veut-il celui qui attend de l’analyse d’un film qu’elle tire des leçons de l’interprétation musicale et devienne épellation mimétique ?
En mobilisant tour à tour un film d’Howard Hawks, un documentaire de Marilia Rocha, le corps de Jerry Lewis, Brigadoon de Vincente Minelli, le paysage sonore de la radio, la musique dans Mauvais sang de Leos Carax, enfin La mort de Molière de Robert Wilson, Serge Cardinal élabore le concept de musicalité du cinéma.
INTRODUCTION
une erreur, un oubli, un concept
I. Le cow-boy ornithologue. Sur l'écoute dans Red River, d'Howard Hawks
Indiens et oiseaux d'Amérique : un problème d'écoute
La nuit acousmatique : attendre un indien, être surpris par un oiseau
II. Une écoute qui geste un monde. Quatre promenades avec des vachers du Sertão
Première promenade : à la recherche d’un toucher audio-visuel
Deuxième promenade : entraîner le chant d’orphée dans l’audio-visuel
Troisième promenade : échapper à une morale de l’écoute
Quatrième promenade : s’exposer à l’« entre de nous »
III. Les « convulsions paroxystiques » de l’acteur. La synchronisation de l’image et du son sur le corps de Jerry Lewis
L’acteur, figure de problématisation audio-visuelle
Le synchronisateur Lewis : capter, dissoner, réfracter
Se mettre en bouche l’exproprié : voix, bruits, sons, musiques
L’acteur de cinéma : un paradoxe audio-visuel
Synchronisation et gestus social
IV. Brigadoon, ou l’envers musical du monde
La matérialité de la musique
L’autonomie productive de la musique
Un drame de l’espace et du temps
V. La radio, modulateur de l’audible. Une renaissance sonore du paysage
Une circonstance empirique : l’entrée de la radio dans le monde
Une condition de possibilité : défaillance de l’entente et émergence de l’écoute
La renaissance sonore du paysage
La musicalité : une machine abstraite
La réalité de la modulation : personnage rythmique et paysage mélodique
VI. Où est la musique du film ? Pour une écoute mimétique au cinéma
Dramatiser le musical, musicaliser le film
Une posture phono-musico-visuelle
De la musique à la musicalité
Architecture, musique, cinéma
Conclusion
La musique de la relation. Une répétition mimétique de La mort de Molière, de Robert Wilson